Plus directement actif est l’art de Claude Lieber, puisqu’il mime, par construction, les stratifications de la mémoire. Sans doute aussi plus intérieur, plus subjectif. Il mêle ainsi graphies diverses et calligraphies, coupures imprimées, empreintes digitales et végétales, photos jaunies, etc. Il colle, superpose et emboîte les matériaux les plus divers, veillant à ce qu’ils se chevauchent, afin qu’à la fois, partiellement, ils se masquent, s’oblitèrent et s’entrebâillent les uns sur les autres. Multiples empiètements et joutes mnésiques, à l’image de l’inscription de nos souvenirs. Son art me fait penser encore au colleur d’affiche qui, dans le métro, arrache certains jours les épaisses feuilles colorées accumulées, dont on perçoit soudain la sédimentation celée et dont les bords irréguliers dévoilent à nos yeux l’hétérogène diversité, disposant éphémèrement les plans successifs en une improbable et partielle juxtaposition.
À ceci près que Claude Lieber, lui, ne colle jamais, pour finir, par-dessus une belle affiche lisse et neuve qui nous inviterait, oublieux, à nous abandonner aux amènes miroitements du plaisir présent, mais laisse toujours béer la déchirure.
Ici donc, la proximité se creuse…